Cher François,
Depuis l'annonce
récente de notre prochain affrontement, j'ai été le témoin de
curieux événements dont je me dois de vous faire part. Vous savez
toute l'affection que j'ai pour vous et pourtant ce matin, en me
rasant, j'ai vu apparaître dans le miroir une autre tête que la
mienne, pour la voir presque aussitôt disparaître d'un trait de
coupe-choux ! Je m'en veux de vous le dire mais cette tête, c'était
la vôtre ! Sombre présage qui me semble dévoiler l'issue de notre
combat et qui vient conforter cette autre affaire dont je ne vous ai
pas encore parlé...
L'auteur de notre
histoire (nous savons bien tous les deux de qui je parle...) a voulu
l'autre jour me rencontrer, et pour la première fois sans vous... Il
m'a fait part de ses projets d'écriture et m'a confirmé que vous
n'en feriez désormais plus partie... Vous vous doutez bien que j'en
ai été vivement ému et je m'en suis étonné auprès de lui. Il
m'a alors sèchement répondu que sa décision était prise et, que
cela nous plaise ou non, que son autorité d'auteur ne pouvait être
remise en question par quelque personnage que ce soit. Son récit,
qui n'est plus "notre" histoire mais la mienne, aura
pour seul titre Pécuchet, sans votre patronyme ni le "et" qui nous unissait encore il y a peu.
Dans ces
circonstances délicates, notre affrontement prochain a-t-il encore
un sens ? Je m'en tiens à votre appréciation pour la suite.
Votre dévoué,