Attablés dans un café populaire du centre-ville, toujours le même, ils commentaient doctement les événements récents et la marche du monde, plus ou moins incertaine selon eux. Mais toujours ce doute qui les tenaillait depuis de longues années, et cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, aussi tranchante que leur propre jugement sur la bêtise des hommes. Alors un beau jour, au détour d’une rue, ils tombèrent sur une affichette annonçant un combat, non pas celui qu’ils auraient pu imaginer pour refaire le monde, en mieux, mais le leur, celui où, enfin, ils pourraient régler leurs comptes.
Plus tard (même café, même table), l'un des deux raconta que s’il lui avait fallu choisir, il aurait préféré être Pécuchet, non par attirance pour le personnage mais parce que le nom était plus drôle voire franchement ridicule. C’est ainsi qu’il laissa son comparse être Bouvard. Les rôles étant parfaitement distribués, le combat n’en aurait que plus de relief. Ils s’y voyaient déjà, se figuraient la force de leurs coups, commençaient à ressentir une hargne mutuelle…
Le récit est inachevé, l'auteur a laissé des notes afin de préparer la suite : avant le combat, ils se documentent, cherchent des récits, légendaires ou autres, relatant des combats livresques, ne trouvent rien, demandent à quelques érudits autour d’eux, sans succès, élaborent leurs propres règles, s’entraînent dans un appentis chez un voisin un peu étonné de leur requête, puis vient le jour du combat tant attendu…