Il revenait périodiquement sur la page de cet auteur qui ne donnait pas son nom et publiait de temps à autre un billet mystérieux. Y avait-il une logique, un sens à tout ça ? Il lui arrivait d'interrompre la lecture pour un temps et même de penser à l'abandonner définitivement et de passer à autre chose. Mais toujours, après des semaines, des mois, il y revenait et découvrait un nouveau billet, car il y en avait toujours au moins un.
Et puis un jour, de retour d'une balade dans le parc, en bas de chez lui, il comprit soudain ce qui le ramenait avec autant de force à cette lecture. Le nouveau billet était pour lui. Il se mit à le lire et, alors qu'il avait encore en tête le bruissement des feuilles dans les arbres, il sut qu'il était là, juste derrière, son regard glaçant fixé sur lui, tenant à la main l'arme secrète.
D'après Julio Cortázar, Continuité des parcs, recueil Les armes secrètes